Les Temps au Cambodge
Au Cambodge d’aujourd’hui, il y deux temps : Temporel, atemporel. Le premier est le temps pour la population khmère, le second appartient aux dirigeants et aux politiciens.
Le temps temporel : Lorsque nous examinons le temps temporel, nous ne pouvons qu’être frappés par l’immobilisme de la pauvreté du peuple khmer. Chaque jour qui passe, chaque mois qui défile, chaque année qui change le nom du Saint bouddhique (ទេវតា ) et chaque siècle qui maintien la monarchie à la tête du pays, le peuple khmer vit toujours dans la pauvreté quasi absolue. Nous savons que le temps temporel a une durée limitée pour les êtres humains et cette limite est encore réduite pour les Khmers pauvres, qui représentent 90% de la population totale, parce que leur espérance de vie moyenne est de 50 ans, et à partir de 35 ans, leur état physique se détériore deux fois plus vite que les êtres normaux. Il n’y a pas de famine, mais l’hygiène dans le régime alimentaire est quasi-absente, ce qu’on l’appelle la malbouffe. Cela tue plus vite la population pauvre dans un pays où le nombre de mort par la malnutrition n’est pas enregistré par le service de la santé publique comme une calamité sanitaire.
Dans le temps temporel, le peuple khmer perdait sa puissance. Avec l’accord de Paris du 23 octobre 1991, il reprend un peu de force, mais, cette force n’a pas assez d’énergie pour bondir hors de l’engrena de pauvreté. Dans le monde d’aujourd’hui, on révèle une humanité en train de s’arracher au sous-développement. Le Cambodge en fait partie sans doute. Mais le progrès n’est pas une ascension linéaire heureuse, facile sur tous les plans. L’arrachement à la mentalité obsolète, aux routines contrariée de la vie de tous les jours, produit dans le temps temporel, paradoxalement, presque autant de désorientation et d’avantage de souffrance que d’espoir. Très souvent, le maintien culturel et mental s’accompagne d’une crise de transition politique. Les Khmers déstabilisés ont des comportements sociaux et politiques bloqués. L’accession à la modernité mentale est limitée aux besoins biologiques, c’est-à-dire un instinct de survie.
Au Cambodge, le décollage économique ne s’accompagne pas le décollage politique où la transition démocratique n’est pas véritablement déclenchée, et où la violence du régime politique ne change pas depuis l’époque du prince Sihanouk jusqu’à aujourd’hui. En effet, le Cambodge actuel est dirigé par un régime politique, dans lequel, il y a une combinaison entre le monarchisme et du communisme sous l’emprise de Hanoi. Mais personne ne nie pas la cruauté des Khmers rouges par rapport aux autres régimes. Que les Khmers eux-mêmes auraient bien du mal à comprendre l’auto-génocide commis par ces derniers qui sont Khmers comme eux. Cela fut difficile pour les victimes de Pol Pot de choisir un camp, après le 7 janvier 1979, dans le conflit idéologique entre les bourreaux, partisans de génocide et les envahisseurs étrangers, profiteurs de la faiblesse khmère. Le non choix de ces victimes permettait à l’armée vietnamienne d’occuper le Cambodge pendant dix ans et d’implanter une colonie de peuplement. En fait dans ce conflit, c’était au nom du Communisme qu’ils s’étaient entre-tués, dont le vainqueur est toujours le même. Il pratiquait une violence avec modération, mais le but serait le même : la gloire du Communisme, dans laquelle, la passivité du peuple khmer et la faiblesse du Bouddhisme largement contribué à sa victoire. Elle devrait assurer l’éternité du totalitarisme au Cambodge.
Le temps atemporel : Les dirigeants khmers d’aujourd’hui vivent hors temps, appelé le temps atemporel ou le temps de pouvoir absolu, parce qu’il est hors temps. Ce principe n’est qu’un retour conceptuel de la monarchie angkorienne. Le Roi-divin, introduisait au Cambodge par le roi Jayavarman II (802-850). C’est un concept qui assure l’éternité du pouvoir absolu, parce que le temps de Dieu est éternel, et un humain qui incarne divin pourrait bénéficier son soutien. Pour le pouvoir du Communisme, le temps atemporel n’est que le temps de la dictature du prolétariat. Un hors temps qui permet au parti communiste, le guide de la révolution violente, d’exercer un pouvoir absolu jusqu’à la destruction totale toute forme de l’État et la transformation de la société ancienne en une nouvelle société sans classe sociale. Mais ces deux buts qui n’arriveront jamais dans le temps temporel pour les hommes. Le Pouvoir absolu au Cambodge d’aujourd’hui n’est qu’une association entre le pouvoir divin et celui du communisme. Il invente un nouveau concept du temps atemporel pour être dans l’éternité, c’est le temps du développement économique, c’est-à-dire le hors temps que personne n’a droit de le critiquer. Le temps atemporel pour le Pouvoir absolu au Cambodge n’est donc que le temps de la dictature du parti au pouvoir au nom du « développement économique » au détriment du progrès social jusqu’à la destruction totale de l’identité khmère.
Bien sûr, il est facile d’associer l’aspect du progrès économique au totalitarisme, comme en Chine dont le point d’aboutissement ne peut être que l’affirmation de la réussite du parti communiste dans la sphère politique. Hun Sen est donc fier d’affirmer que ce modèle chinois est pratiqué au Cambodge : quand il y a un développement économique dans le pays, cela justifie son maintien au pouvoir et rien d’autre. La définition de la démocratie fut celle d’Aristote, qui, parfaitement moderne, associait la liberté à l’égalité pour permettre à l’homme de « mener sa vie comme il veut » est foutaise pour lui. Le temps atemporel du Déchau Hun Sen (តេជោ ហ៊ុន-សែន ) est le temps de l'expansion économique au nom de la dictature. Et l’on savait qu’au nom de « realpolitik », les grands pays de démocratie acceptent cette nouvelle forme de dictature pratiquée dont la Chine est l’inventeur. Ce que l’on appelle chacun pour soi au nom de la realpolitik, expression éclatante en politique internationale dans le monde d’aujourd’hui.
Corroborés par cette nouvelle donne, certains khmers témoignent ainsi : quelles que soient les critiques adressées à Hun Sen, il n’est pas raisonnable de ne pas considérer le Cambodge comme un pays en voie de développement. Cette considération place inconsciemment le pouvoir de Hun Sen dans le temps atemporel. Avec une mentalité altérée et immuable, ces témoignages devraient assurer l’éternité du totalitarisme. Le Vietnam en est le premier bénéficiaire, parce qu’il est le maître du Cambodge. Ce que l’on appelle chacun pour soi au nom de la realpolitik, expression éclatante en politique internationale dans le monde d’aujourd’hui.
Le temps pour un moment
Nous, Khmers, nous avons un autre temps, appelé le temps pour un moment (សិន). Ce temps Send (សិន) est vu au premier abord comme un temps temporel. En réalité, il fait partie au temps atemporel, parce que ce « temps pour un moment » est hors temps pour nous. Ce temps est devenu notre culture politique : le choix par défaut. Ce choix est le « Send », il est dans le temps atemporel, parce que devant chaque choix c’est la mentalité qui parle plus fort que le bon sens politique. Et à chaque échec, les Khmers instruitsne posaient pas la question sur ses conséquences, car pour eux, il s’agit du choix pour un moment. Mais, dans le « Send » on ne fait rien d’autre, on attend dans l’éternité. Le « Send », c’est aussi le temps de refuge du peuple dans le désespoir. Et pour les hommes instruits, c’est le temps de soutien du pouvoir absolu. Ces deux temps sont synchrones, le premier enracinant dans la culture de la peur du pouvoir et le second assurant la légitimité du totalitarisme historique, adapté au nouveau contexte du Cambodge : l’association entre le régime monarchique, avec une efficacité aléatoire pour le peuple khmer, et le Communisme avec un résultat politique cynique pour l’humanité. Dans le « Send » le parti du salut national (PSN) se courbe devant le Vietnam agressif dans son propre pays, pourvu qu’il reconnaisse son statut de l’opposition participative ou l’association des malfaiteurs. Il ne faut pas oublier que la force du Vietnam vainqueur permet la fusion des cultures, parce que le Cambodge affaibli ne pourrait pas y résister.
Ces trois temps constituent un obstacle majeur pour instaurer la démocratie libérale au Cambodge. Et cette démocratie est une seule arme pour lutter contre la dictature et l’hégémonie du Vietnam. Absurde du point de vue de certains intellectuels khmers : le Cambodge qui puisse sortir de sa crise de transition démocratique avec la solution du couple Rainsy/Sokha. Il est pire de mentir sur la réalité au nom de la supériorité intellectuelle : on croit protéger ce couple alors qu’on le trahit. Si l’on veut être fidèle à des valeurs de la démocratie et servir le pays, on n’affirme pas que la démocratie soit en marche au Cambodge. En revanche, il est crucial de tout dire : ce qui marche, ce qui ne marche pas. Se taire, c’est tromper, et tromper, c’est altérerla démocratie.