Comment cette guerre (1970-1975) a été imposée au peuple khmer ?
(Publiée par l’Institut Franco-Khmer : la lettre khmère, n° 2, Février 1972, Phnom Penh)
- Les origines : 1954 – 1970
Après les accords de Genève de Juillet 1954, et malgré ces accords, des cadres et de petites unités Khmères-Vietminh se maintiennent au Cambodge pour réactiver le moment venu les foyers de subversion.
Au début des années 60, de nouveaux cadres (formés dans les Académies politico-militaire du Nord-Vietnam) s’infiltrent au Cambodge, afin d’amplifier l’action révolutionnaire et d’accroître les moyens des «Bases».
14 Février 1965 : réunion à l’initiative de Sihanouk, de la Conférence des Peuples indochinois, avec la participation des trois fronts de «Libération» du Nord-Vietnam, du Sud-Vietnam et du Laos.
31 Mai 1967 : le Front National de Libération du Sud-Vietnam déclare reconnaître les «frontières actuelles» du Cambodge.
8 Juin 1967 : la R.D.V.N. effectue la même déclaration.
Novembre 1967 : 3 journalistes découvrent fortuitement un camp vietcong dans la province de Kompong-Cham. Cela n’empêchera pas Sihanouk de continuer à nier la présence de Vietcongs-Nord-Vietnamiens au Cambodge, jusqu’à la fin de l’année 1968.
19 Février 1968 : le «bulletin du contre-gouvernementt» révèle la «Stratégie révolutionnaire chinoise adoptée au Cambodge dans les bases khmères vietcongs de l’intérieur.
Février 1968 : c’est la grande offensive vietcong-nord-vietnamienne de la fête du «Têt» ; les «sanctuaires» communistes vietnamiens du Cambodge facilitent le recrutement, l’approvisionnement et l’appui des unités engagées dans cette offensive.
28 Mars 1969 : dans une conférence de presse, Sihanouk avoue : «Les communistes vietnamiens s’infiltrent de plus en plus chez nous, je ne peux plus le cacher, il est temps que l’opinion mondiale le sache». Sihanouk illustre son aveu en présentant, pour la première fois à la presse la carte des implantation communiste au Cambodge.
24 Mai 1969 : le général Lon Nol attire l’attention des ambassadeurs de la R.D.V.N. et du G.R.P. sur l’occupation effective de certaines régions du Cambodge par leurs troupes.
31 Juillet 1969 : à l’ouverture du 27e Congrès national, Sihanouk avoue :
«Quant aux infiltrations, à l’occupation de notre territoire, à la subversion et à l’excitation d’une partie de nos compatriotes qui sont le fait de certains voisins ainsi que la rébellion armée des traîtres khmère-rouges, elles nous conduisent inévitablement, si elles ne s’arrêtent et ne reculent , à la perte de l’Indépendance et de la Neutralité».
8 Septembre 1969 : Sihanouk part à Hanoï pour assister aux obsèques d’Hô Chi Minh.
25 Septembre 1969 : signature, à Phnom-Penh, d’un «Accord de Commerce et de Paiement» avec le G.R.P.
9 Octobre 1969 : Sihanouk met fin à la mission de la Commission Internationale et de Contrôle au Cambodge qu’elle devra quitter avant le 31 Décembre.
Octobre 1969 : rapport confidentiel du général Lon Nol sur les implantations vietcongs-nord-vietnamiennes à la frontière du Cambodge. Ce rapport montre l’accroissement des effectifs (35 000 à 40 000 hommes) et la multiplication de leurs activités, non seulement aux frontières mais aussi dans certaines provinces de l’intérieur (notamment dans Battambang et Pursat).
6 Janvier 1970 : Sihanouk part en France, sous le prétexte de suivre une cure de repos. En fait il s’esquive après échecs de sa politique intérieure et de sa politique de Défense.
18 Février 1970 : rentrant de France, après un séjour de repos, le général Lon Nol entreprend la visite des provinces frontalières les plus affectées par les intrusions des communistes vietnamiens.
- Les évènements de Mars-Avril 1970 et leurs conséquences
Début mars 1970 : le gouvernement cambodgien évalue à plus de 50 000 hommes les effectifs des communistes vietnamiens au Cambodge.
8 Mars 1970 : manifestations populaires contre la présence des Vietcongs-Nord-Vietnamiens, dans les localités de Svay-Rieng, Chantrea, Kompong-Rau, Rumduol et Romeas Hèk.
11 Mars 1970 : la population de Phnom-Penh manifeste contre l’installation des Vietcongs-Nord-Vietnamiens en territoire khmer.
La colère populaire s’exprime par la mise à sac des ambassades de la R.D.V.N. et du G.R.P.
Les étudiants déposent une motion à l’Assemblée nationale réclamant l’évacuation des régions frontalières occupées par les Vietcongs.
Les députés et conseillers du royaume réunis en session extraordinaire votent, à l’unanimité, une résolution correspondant aux vœux de la population. Le gouvernement est mis en demeure de prendre des mesures urgentes pour défendre l’intégrité du territoire khmer.
12 Mars 1970 : le gouvernement de sauvetage demande au Nord-Vietnam et au G.R.P. de retirer toutes leurs forces pour le 15 mars.
Dans un communiqué, le chef du gouvernement s’engage à tout faire pour que les étrangers respectent l’Indépendance, la Neutralité et l’Intégrité territoriale du pays.
Le même jour, Sihanouk condamne ces manifestations.
Le général Lon Nol tente dans un rapport, d’expliquer à Sihanouk la signification profonde de la colère populaire.
Il réaffirme son désir de rester dans la ligne d’une stricte Neutralité. Le gouvernement royal pense pouvoir maintenir des relations amicales avec le Vietcong, si celui-ci respecte les aspirations du peuple khmer (en évacuant ses terres).
13 Mars 1970 : avant de quitter Paris pour Moscou, Sihanouk attaque violemment le gouvernement Lon Nol dans une conférence de presse.
14 Mars 1970 : Sihanouk refuse de recevoir deux émissaires que le gouvernement de sauvetage voulait lui envoyer afin d’expliquer la situation.
15 Mars 1970 : le gouvernement informe la Nation de son intention d’ouvrir des négociations avec les représentants diplomatiques du N.V.N. et G.R.P. sur les conditions d’évacuation du territoire cambodgien.
16 Mars 1970 : manifestation anti-vietcong des étudiants devant l’Assemblée nationale.
18 Mars 1970 : l’Assemblée nationale et le Conseil du Royaume proclament la Nation en danger.
19 Mars 1970 : Sihanouk arrive à Pékin.
21 Mars 1970 : dans un message à la Nation, Lon Nol assure que «le gouvernement de sauvetage utilisera tous les moyens militaires, politiques et diplomatiques pour faire respecter notre territoire».
Il affirme vouloir maintenir des relations amicales avec tous les pays du monde, sans distinction de régime ou d’idéologie, sans adhérer à aucun pacte militaire ou bloc idéologique.
22 Mars 1970 : le gouvernement de sauvetage demande aux deux présidents de la conférence de Genève de 1954 la réactivation de la C.I.C., afin d’aider à mettre fin par une solution pacifique à l’occupation du territoire nationale.
23 Mars 1970 : de Pékin, Sihanouk annonce qu’il rallie le camp socialiste et fonde le F.U.N.K. (Front Unifié National du Kampuchea) et ses organismes subordonnés.
27 Mars 1970 : les personnels diplomatiques de la R.D.V.N. et du G.R.P. quittent le Cambodge.
29 Mars 1970 : attaque concertée de nombreux postes frontaliers cambodgiens par les troupes nord-vietnamiennes et vietcongs.
Le gouvernement cambodgien adresse une vigoureuse protestation au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.
6 Avril 1970 : le Secrétaire général des Nations unies décide de «traiter avec les autorités qui contrôlent effectivement la situation au Cambodge, c'est-à-dire le gouvernement de Phnom Penh.
14 Avril 1970 : l’ennemi refusant de reprendre les pourparlers, le général Lon Nol informe la Nation la Nation qu’il fait appel à toutes les aides étrangères pour faire face à la situation (offensive vietcong sur Phnom Penh et les principales villes) en se conformant aux Accords de Genève et aux dispositions de la Constitution Nationale.
24 avril 1970 : les effectifs vietcongs-nord-vietnamiens au Cambodge atteignent 54 000 hommes.
30 Avril 1970 : le Président Nixon donne son accord pour l’intervention des Forces américo-sud-vietnamiennes au Cambodge contre les bases communistes vietnamiennes (Svay--Rieng et Kompong-Cham).
25 Juin 1970 : mobilisation générale décrétée par le gouvernement de sauvetage.
Mai à juillet 1970 : les troupes régulières nord vietnamiennes vietcongs mènent une guerre classique d’offensive profondes dans le Nord-Est et le Nord du Cambodge, allant jusqu’à investir les temples d’Angkor (début juin) situés dans des régions pacifiques dédiées au tourisme international. Les communistes vietnamiens montrent ainsi leur mépris de la protection des biens culturels en temps de guerre.
Août 1970 : les effectifs de l’armée khmère sont passés de 35 000 à 120 000 hommes, du fait des engagements volontaires massifs au service de la Défense du sol National (ils atteindront 200 000 hommes en mars 1971).
Les envahisseurs tentent de transformer leur agression délibérée en guerre civile par l’endoctrinement de khmers enrôlés dans des «maquis» encadrés par des Vietnamiens ou des Cambodgiens formés précédemment dans les écoles révolutionnaires du Nord-Vietnam. Appliquant la stratégie classique de la guerre révolutionnaire qui a fait ses preuves en Chine populaire, ils s’efforcent de faire tomber les villes en les encerclant par les forces qu’ils ont levées dans les campagnes. Combinant la terreur à une propagande intensive, ils éliminent les cadres récalcitrants et surtout les élites intellectuelles khmères qui animent la résistance Nationale.
Les moines eux-mêmes et leurs monastères bouddhiques n’ont pas été plus épargnés que les écoles, les hôpitaux, les usines, les routes et les ponts.
Les centaines de milliers de réfugiés qui ont fui devant l’invasion nord vietnamienne vietcong (pour participer à la Défense de leur Patrie) ont clairement prouvé au monde la volonté courageuse d’un peuple qui n’accepte pas de se plier aux lois imposées par un envahisseur implacable, dont il n’accepte ni la foi ni les moyens d’action.