Histoire des Rois khmers : Règne de Sdach Khan (1512-1525) : Le sacre de guerre de Preah Chanreachea.
Ayant appris la victoire de Preah Chanreache dans l’Ouest du pays, les morts de ses chefs militaires, en particulier Ponhea Koe et la blessure de son oncle Kao, Preah Srey Chetha (Sdach Khan) s’en fut ému et laissa couler des larmes. Quelques jours plus tard, il ordonna à son ministre des armées de terre d’envoyer une brigade à l’Est du pays pour lever une armée de 120 000 hommes pour faire face à des éventualités d’offensives d’ennemis. Il envoya secrètement un messager porteur d’une lettre au général Outhey Thireach, gouverneur d’Asantouk, dans laquelle il ordonnait à ce dernier de retirer ses troupes de la province de Battambang, parce qu’il a pris d’autres dispositions, et lui demande d’attendre sa nouvelle décision. Rappelons-nous bien que ce gouverneur avait reçu l’ordre de Chao Fa Keo de partir à Battambang avec 50 000 homme pour barrer la voie de retraite de Preah Chanreachea. Sdach Kân prenait Phnom-Penh comme base de rassemblement de toutes les unités de son armée, battues dans l’Ouest, dispersées çà et là. Deux gouverneurs, Khoy de la province de Samrong Torg et Vongsar Anouchit Yours de la province Bati, amenaient 190 000 hommes à Phnom-Penh. Pour lancer des offensives pour récupérer les territoires perdus, Sdach Khân consacra ses jours et ses nuits à étudier son plan d’attaque. Il répartit ses forces en deux corps d’armée :
Premier corps d’armée :
- Une division d’avant-garde de 10 000 hommes, commandée par général Yaum Reach ;
- Une division d’aile gauche de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Vongsar Akakreach Srey ;
- Une division d’aile droite de 10 000 hommes, commandée par Ponhea Pisnouk Lauk Tep, gouverneur de Trang ;
- Une division d’arrière-garde de 10 000 hommes, commandée par Chao Ponhea Akthikak Vongsar Veth, gouverneur de Bassac.
Ces quatre divisions étaient placées sous le commandement de son oncle maternel, nommé So. So portait le titre Chao Ponhea Chakrey Thipdey Kochak (Kochak = Supérieur), il était ministre des armées de terre.
Deuxième corps d’armée :
Sdach Khân confia les commandements à ses quatre neveux maternels :
- Une division d’avant-garde de 20 000 hommes, commandée Okloung So (Okloung = Chef des esclaves) ;
- Une division d’aile gauche de 15 000 hommes, commandée par Okloung Nêu ;
- Une division d’aile droite de 15 000 hommes, commandée par Okloung Tep ;
- Une division d’arrière-garde de 15 000 hommes, commandée par Okloung Moyn.
- Lui-même conservant le commandement du centre dont l’effectif était de 30 000 hommes.
Tous les gouverneurs étaient nommés Balath ou Yo Kbath de l’armée en fonction de leurs compétences dans les domaines militaires (Balath = Assistant ; Yo Kbath = intendant). Quinze brigades mobiles étaient confiées aux gouverneurs de province. Chaque brigade était reconnue par la couleur de son étendard. Elles avaient pour mission de surveillance du territoire.
Sdach Khân avait deux montures de guerre, réputées d’invincibles et de rapide : Un éléphant magnifique de dix bras de hauteur, avec deux grandes défenses, surnommé « Preah Korchethchakyavuth », et un cheval magnifique de trois bras et quatre doigts de hauteur (trois hath et quatre tnap), de couleur noire (Si Sain ?), surnommé « Saing Raingsey ». Ce cheval était capable de galoper, sans arrêt, une distance de 2 050 Send (un send = 30 mètres), c’est-à-dire 61 km. Il nageait avec une vitesse de poisson.
Une fois la préparation militaire fut terminée, Sdach Khân ordonna à son armée de marcher à la rencontre des ennemis. Il fit établir un retranchement et installer un camp fortifié à côté du marché Oudong. Puis, il ordonna au général Preap de conduire une armée de 45 000 hommes pour attaquer la citadelle de Longveak. Le gouverneur de Longveak sortait du fort avec ses troupes pour assaillir directement les troupes d’avant-garde de Preap. Ayant appris cette nouvelle, Samdech Chanreachea chargea un cavalier de porter un message confidentiel au gouverneur de Longveak auquel il donna des instructions suivantes : Vous faites semblant de battre en retraite vers nord. Là-bas, je me poste en embuscade avec mes hommes pour frapper par surprise les ennemis qui vous poursuivent. Samdech Chanreachea à la tête de son armée de 45 000 hommes, quitta sa fortification, et il s ‘approcha avec son armée de Longveak. Ayant lu l’ordre de son prince, ce gouverneur fit battre les tambours selon le plan arrêté. Les chefs d’unités ordonnèrent à leurs hommes de se replier vers le nord. Sdach Khân fut informé de cette évacuation, il ordonna immédiatement à son général de poursuivre les ennemies pour les anéantir. La poursuite durait toute la journée. Samdech Chanreachea laissa pénétrer les troupes d’ennemis dans son terrain de chasse. Après quoi, il frappa les ennemis par arrière. Paniqués par ces assauts de partout, les soldats de Preap abandonnèrent leurs rangs et s’enfuirent dans toutes les directions. Ils furent bientôt à tel point décimés qu’environ 3 000 cadavres couvraient de toutes parts le champ de bataille. Le général Preap et vingt de ses officiers supérieurs ont été capturés. Ils furent amenés, les mains liées, au quartier général de Chanreachea. Celui-ci ordonna à ses soldats de décapiter du général Preap et ses dix officiers. Il fit couper les oreilles les dix autres officiers en leur laissant la vie sauve pour qu’ils portaient les têtes de leur chef et de leurs camarades pour offrir à Khân. Chanreachea fit venir les dix malheureux auxquels il dit : « Vous dites à Khân que nous sommes en saison de culture de riz, il faut mieux faire une trêve, afin que la population puisse cultiver le riz. Mais ceci est une simple suggestion, si A Khan croit qu’il puisse me vaincre avec la supériorité de ses effectifs militaires, il pourra continuer la guerre. Je le vaincrai, parce que c’est la volonté du Bouddha ».
Aussitôt rentrés au campement, les dix survivants allèrent voir Khân et lui montrer les têtes coupées et dirent le message de Chanreachea. Ayant vu les têtes de ses officiers de confiance, Khân ne fut pas maître de son émotion et perdit quelques instants de connaissance. Quand il revint à lui, il dit ceci aux membres de sa cour : « Chanreachea bénéficie pour l’instant du prestige de la race de sa famille, mais lui-même n’est pas un grand prince. Il ne faut pas donc avoir peur de lui. Aujourd’hui, ce prince me demande de faire une trêve pour laisser la population de cultiver le riz. Ce n’est pas mal comme idée. Je l’accepte ». Après quoi, il fit écrire une lettre à adversaire. Il envoya une ambassade pour porter cette lettre et des présents pour offrir au prince. Celui-ci reçut l’ambassadeur de Khân avec soin. Dans la salle d’audience, il chargea son secrétaire de lire la lettre à haute voix pour que ses dignitaires puissent l’entendre. Voici les termes de cette missive :
Lettre de Samdech Prean Srey Chetha reach Rama Thipdey , roi du Kampuchéa au frère cadet, Samdech Chao Ponhea Chanreachea,
Puisque vous revenez au pays pour m’imposer une guerre, j’en suis ravi, mon cher frère cadet, car cette guerre m’offre un spectacle de scènes de bataille : les combats des hommes et des bêtes. En effet, nous sommes proche de la saison de pluies, il est normal d’y penser, car il est important pour le bien-être de la population. Dans ce cas, il nous reste de nous nous mettre d’accord pour faire une trêve pendant la saison de culture du riz. Après la moisson, nous continuerons notre guerre à une date fixée par nos deux parties.
Dès que la lecture eut été terminée, Samdech Chanreachea se mit en colère et dit à l’ambassadeur de Khân ceci : « Tu diras ceci à Khân qu’il ne m’appelle plus « frère cadet, parce que, je ne suis pas de sa famille, et je suis de race royale, quant à lui, il appartient à la race des esclaves. Nous vivons donc dans deux mondes différents ».
Après quoi, il donna une pièce d’or d’une balance siamoise et quelques pièces d’argent de deux balances siamoises (unité de pesage utilisée au Siam de l’époque) pour récompenser de ses services.
L’ambassadeur de Khân prit congé du prince respectueusement et rentra chez lui. Après son départ, les ministres et les généraux demandèrent au prince que cette trêve pour laquelle, il accepte, en quoi était-elle donc nécessaire ?. Pour eux cette trêve est improductive. Elle arrête l'envol des troupes qui sont aujourd’hui en position de gagnant dans tous les fronts. Elle permettra au Sdach Khân de revoir ses stratégies et de lever une nouvelle armée dans les régions du Nord et du Sud dont une capacité des gens en âge d’incorporation dans l’armée pourrait atteindre à un million d’hommes. En revanche, les provinces conquises, Moha Norkor, (Siemreap actuel), Battambang et dizaine de petites provinces ont peu de la population, par exemple dans la province de Battambang, le nombre était à peine cinq milles d’habitants, parce que les Siamois, après leurs victoires successives, avaient enlevé presque la totalité de la population de cette province pour l’amener au Siam. Nous n’avons plus de réserve en cas de besoin de lever une armée supplémentaire contre Sdach Khân. Pourquoi ne pas profiter de cette conjoncture favorable à nous en ce moment pour continuer la guerre contre nos ennemis ?.
Samdech Chanreachea répondit aux inquiétudes de ses dignitaires ceci : Ma décision est fondée sur sept points. Vous le savez que la cour de Khân compte encore de trop nombreux avantages sur nous pour que je puisse tenter prématurément une action aussi grave, ni mettre les choses en branle à la légèreté. Non, je pense d’abord nous avons besoin cette trêve. Il faut saisir cette occasion pour consolider notre armée :
1. Rappelez-vous cet adage « On cultive le riz avec de l’eau, on fait la guerre avec du riz ». Si la population ne pouvait pas cultiver le riz, il aura la famine, et s’il y avait la famine, il est évident que notre armée va subir la conséquence.
2. Certes, le territoire sous notre contrôle est vide de population, mais il constitue une base idéale et stable pour notre armée. Avec le temps, la population, dans les zones contrôlées par A Khân, sache que je reviens au pays et comme vous le savez je représente la royauté légitime. Il faut nous donner le temps au temps pour que cela s’ébruiter dans tout le territoire ennemi. Notre précipitation risquerait de provoquer le mécontent de la population.
3. Le gouverneur de la province Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Prag, est un grand général et un grand stratège, qui contrôle un vaste territoire. Il aurait toute la capacité et possibilité de nous attaquer et de nous encercler. Cette trêve lui empêche d’y faire.
4. Khân possède d’aujourd’hui tous les objets de sacre royal. Aux yeux de ses soldats, il est un monarque des Khmers. Il rayonne avec le parasol royal au milieu de ses troupes. Quant à moi, je n’ai rien pour prouver à la population que je suis un héritier légitime du trône du Kampuchéa. J’ai besoin un peu de temps pour me faire une place dans le cœur de la population.
5. Aujourd’hui, je ne peux plus revenir sur ma décision, parce que j’ai déjà donné mes paroles à Khân. Sinon, la population pourra me traiter de menteur.
6. Nous avons aujourd’hui des bons soldats, mais ils manquent encore une assurance sur le champ de bataille, non pas, parce qu’ils ne soient pas courageux, mais parce qu’ils manquent les instructions militaires. Profitant de cette trêve pour entraîner nos soldats.
7. Je possède sans doute le titre de l’héritier légitime du trône, mais Khân règne dans ce pays depuis déjà longtemps. Il dispose en maître absolu des ressources et de l’autorité du Royaume pour m’opposer.
Mes chers amis, ces sept points constituent la fondation de ma décision d’aujourd’hui. Ayant entendu ces explications, les ministres et les généraux dirent à leur prince : « Samdech, vous avez des vues d’une élévation admirable ! ». Quand Samdech Chanreachea voyait que ses hommes faisaient confiance à sa stratégie, il en était content. Il confia la défense de la citadelle de rivière Kraing Ponley au général Tep, fils de Ta Moeung. Par cette fonction, il devait aussi superviser les gouverneurs de Rolir Spirk et Longveak. Après quoi, Samdech Chanreachea prit le chemin du retour vers Baribor.
Parlons maintenant du grand gouverneur d’Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Prag. Ce gouverneur possédait un pouvoir de vice-roi. Il contrôlait vingt cinq Meung : Chi Kreng, Staung, Prom Tep, Prey Kdey, Krarkos, Kompong Svay, Kompong Hav, Prasat Dab, Kok Kè, Svay Rolirk, Kauk Sès, Sen, Kampoul Pich, Purthi Raung, Tralek Keig, Gnoun, Cheu Tirl, Sra Guer, Sar Norkor, Sra Yeuv, Mlou Prey, Prey Kdey, Siem Bauk, Preah Prasap.
Ayant appris le départ de Samdech Chanreachea de Longveak, il mobilisa son infanterie et sa cavalerie de 80 000 hommes pour placer ses troupes en travers du chemin de retour de Chanreachea à mi-route, et de l’attaquer. Il puit ainsi avoir une chance de le capturer. Prag était sans doute un chef téméraire, mais il manquait la fermeté et d’esprit de décision. Capable de se lancer par coup de tête dans des affaires de l’Etat, il se montrait incapable de travail en équipe. C’est ainsi, il ne tenait pas compte la trêve.
Chanreachea fut informé immédiatement du mouvement d’ennemis : Une unité du général Prag était en train de traverser le fleuve et fit mouvement par bateaux vers la province de Krakor pour barrer son chemin. À peine eut-il appris cette nouvelle, il se plongea dans ses réflexions afin d’essayer de trouver un moyen praticable pour faire échouer les intentions de Prag. Pour Chanreachea, c’est dans l’eau, il faut qu’il gagne cette bataille. Après quoi, il ordonna à Chao Ponhea Yous Reachea, commandant du fort de Pursat, d’envoyer 10 000 hommes à Kompong Day Tonlé Sap se poster en embuscade pour empêcher les ennemis de débarquer à Krakor. A peine l’ordre reçu, Chao Ponhea Yous Reachea quitta le fort, accompagné du colonel Peou. Une fois parvenu sur les lieux, il chercha un endroit idéal pour placer ses canons et ses hommes tout au long de la berge. Au même moment, Chanreachea ordonna au général de l’armée de l’eau Pich à partir, avec sa division de 20 000 hommes, à l’Est de la bouche de Tonlé sap pour attaque les ennemis par arrière. Après quoi, avec vingt cinq barques et plus de deux mille soldats de l’eau, Samdech Chanreachea monta à bord de sa barque de Saray Andète (algues flottantes), il quitta son campement pour s’établir tout près de la bouche de Tonlé Sap. Le lendemain matin, la patrouille fluviale signalait l’arrivée des bateaux d’ennemis. Le Colonel Peou, adjoint de Ponhea Yous Reachea, ordonna aux chefs des canons et les unités d’armes à feu de tirer sur les ennemis. Surpris par ces tires, le général Prag ordonna à ses troupes de se replier, mais le général Pich était plus rapide que ce dernier, il ordonna à ses troupes de sortir de leurs cachettes pour attaquer la retraite d’ennemis. Le bateau de Prag était immédiatement encerclé par les pirogues d’assaut des soldats de Pich. Prag et les membres son Etat-Major furent capturés. Onze autres chefs militaires arrivèrent à débarquer à l’Ouest du fleuve, mais ils étaient aussi capturés par les hommes de Pich qui les attendaient à la berge. L’armée vaincue s’enfuit à toutes jambes, mais Chanreachea arrivait à la tête de ses troupes à la rescousse. Le combat ne dura pas même une heure, les 22 gouverneurs et leurs 60 000 hommes demandèrent la reddition sans condition. Chanreachea accepta cette demande et garda le général Prag à la tête de son armée. Dans cette bataille, il y avait environ trois mille soldats de Prag qui étaient morts de noyade.
Faute de trouver un Brahmane pour assurer la cérémonie de « jure de fidélité » selon la tradition khmère, Chanreachea demanda aux transfuges de prononcer en criant après lui trois fois la formule de jure. Après quoi, il ordonna au Général Prag d’attaquer les trois provinces, Kompong Siem, Cheug Prey et Steug Trang. Celui-ci partit exécuter les ordres de son nouveau maître avec la vitesse du cheval et la fidélité du chien.
Ayant appris l’arrivée du Général Prag, les trois gouverneurs eurent les foies, ils abandonnèrent leur préfectures pour se réfugier à la capitale de Khân. Dès qu’il eut appris la fuite de ses anciens subordonnés, il écrivit un rapport officiel à Chanreachea. Celui-ci s’en montra satisfait et conféra au Général Prag la charge de gouvernement la partie Nord de la rive Ouest du Grand Lac. Sa mission principale était de rallier les gouverneurs et rassurer les populations de cette région. Prag et ses vingt et un gouverneurs remercièrent leur nouveau souverain et se retirèrent dans leur province respective. Arrivé dans sa province Asantouk, Chao Ponhea Ouktey Thirech Prag créait des brigades mobiles de propagandes. Chaque brigade était dirigé par un commissaire politique qui possédait deux qualités : un intellectuel connu et un homme éloquent de réputation. Ces hommes auraient été des anciens bonzes. En un peu de temps, ces chefs de brigades arrivaient à convaincre par voie pacifique plusieurs chefs des Meug (district) de la partie Est de la région Ouest : Moha Norkor, Sotnikum, Pourk, Kralaig, Chong Kal, etc.
Faisons un retour dans le passé : Après la victoire de Sdach Kkân sur son beau-frère, le roi Sokhun Bat à Basane, puis à Phnom-Penh, il y avait eu beaucoup des membres de la famille royale et les bonzes supérieurs et les Grands Brahmanes, fidèles à la monarchie, s’enfuirent de ces deux grandes villes pour se cacher dans la forêt. Ayant appris le retour de Samdech Chanreachea et sa victoire dans l’Ouest du pays, ils sortirent de leurs cachettes pour rejoindre ce dernier. Avant d’aller voir Samdech Chanreachea, ils se réunissaient dans le fort de l’armée pour discuter de l’avenir statutaire de Chanreachea. Voici ce qu’ils dirent :
Preah Chanreachea est un prince royal, fils du roi Thomme Reachea, il est intelligent, fort et se batte aujourd’hui pour restaurer la monarchie légitime du pays. Il est sans aucun doute destiner à devenir roi. Il a un éléphant magnifique de sept bras de hauteur. Cet éléphant a l’intelligence de l’homme. Il manipule les armes de guerre avec sa trompe et utilise ses quatre pieds pour esquiver les attaques des ennemis humains. Il sait guérir les maladies en aspergeant l’eau bénite par sa trompe sur les malades. Si la pluie n’est pas au rendez-vous pendant la saison de pluies, il sait faire venir la pluie. Il fait savoir aux soldats qu’ils aillent gagner ou perdre la bataille par le son de son cri. Entre outre, Preah Chanreacha a aussi une barque, surnommée « Algues flottantes ». Cette barque possède plusieurs qualités : Elle est rapide sur l’eau comme le vent dans l’air. Phnom-Penh à Moha Norkor, elle fait en trois à quatre jours. La barque normale doit faire au moins dix à quinze jours. A chaque fois qu’on veut sortir la barque de son hangar, on doit jouer la musique classique (pinpeath) pour accompagner cette manœuvre. On offre tous le jours une offrande de 125 œufs de poulet au génie protecteur de cette barque. Au moment où on met la barque à l’eau, on doit vérifier le nombre d’œufs dans le panier, si le nombre est au complet, on sait qu’on a besoin seulement 16 personnes pour la ramener au fleuve, parce qu’elle devient légère, et un bon présage pour les rameurs, dont le nombre est aussi 125. Si au contraire, il manque d’œufs dans le panier d’offrande, on dirait que le roi va avoir des ennuis.
Quand les dignitaires de l’ancien régime avaient rencontré Preah Chanreachea, ils lui demandaient sans ambages qu’il doive se sacrer roi. Ayant entendu cela, celui-ci, réticent, leur répondit ceci : « je crains bien que cette suggestion ne soit pas très convenable en ce moment de guerre». Mais, ils lui répliquaient qu’il est possible dans la tradition khmère de faire monter sur le trône un chef militaire en guerre par une cérémonie dite « Sangkramaphisêk » (sacre de guerre), une étape provisoire pour donner toutes les prérogatives de souverain à un chef de guerre, puis après sa victoire, un autre sacre, appelé « Prapdâphisêk », c’est-à-dire un homme qui devient roi de par ses victoires militaires. Après quoi, Samdech Chanreachea en accepta, parce que ce sacre enfin de compte lui permettra de montrer sa puissance royale et divine face à la cour de Khân..
On était alors dans le 9e jour du mois de (février/mars), année du rat, 1516, Samdech Chao Ponhea Chanreachea monta sur le trône du Kampuchéa. Il porta le titre Preah Borom Reachea Chanreachea Krauk Krong Kampuchéa Thipadey (Souverain provisoire). Après la cérémonie, il conféra aux dignitaires religieux, civils et militaires les titres et les charges de l’Etat en fonction de leurs mérites :
Les dignitaires religieux :
1. Vénérable Chef de pagode Sours, était nommé au fonction de Chef religieux, ayant le titre Samdech Preah Sokunthir Thipday Sérey Saurthor ;
2. Vénérable Chef de pagode Srey, était nommé Samdech Mongkol Tepirchar ;
3. Vénérable Chef de pagode Som, était nommé Samdech Preah Thomlikheth ;
4. Vénérable Chef de pagode Loys, était nommé Samdech Porthivong ;
5. Vénérable Chef de pagode Toun au titre de de Samdech Vorakvong ;
6.Vénérable Chef de pagode Som, était nommé Samdech Preah Moha Promony ;
7.Vénérable Chef de pagode Chhay, était nommé Samdech Moha Vimolthomma.
Ces vénérables avaient même rang protocolaire des ministres : Kralahom, Yaumreach, Veing, Chakrey, Moha Montrey, Moha Tep.
Les fonctionnaires :
Le roi Chanreachea fit la réforme de la fonction publique. Il créa six échelons d’hiérarchie :
- Lhoung, fonctionnaire ayant le grade de cinq Houpaung ;
- Khoun, fonctionnaire ayant le grade de quatre Houpaung ;
- Meun, fonctionnaire ayant le grade de trois Houpaung ;
- Ouk Meun, fonctionnaire ayant le grade de deux Houpaung ;
- Chak Meun, fonctionnaire ayant le grade d’un Houpaung.
- Niy, fonctionnaire subalterne.
Jadis tous les gouverneurs de provinces, ayant le grade de dix à neuf Houpaung, portaient le titre Samdech Chao Ponhea. Ceux qui avaient le grade de huit Houpoung, portaient le titre de Ponhea. Dans la nouvelle réforme, les quatre grands gouverneurs ou Sdach Kraig (vice-roi), portaient le titre Okgna. Les gouverneurs, ayant le grade de neuf à dix Houpoung, portaient le titre Chao Ponhea, et ceux qui avaient le grade de huit à sept Houpoung, portaient le titre Ponhea. Tous les dignitaires du palais portaient le titre SénaPadey.
Les membres du gouvernement :
1. Preah Tip Chirchay Tep, était nommé Samdech Chao Fa Tolahak (Premier ministre) ;
2. Lhoung Séna Nourak Prom, était nommé Okgna Yaumreach (Ministre de la justice) ;
3. Lhoung Vichet, était nommé Okgna Kralahom (Ministre des armées de la marine et de l’eau) ;
4. Lhoung Odam Chenda Srey, était nommé Okgna Vaing (Ministre du Palais royal) ;
5. Lhoung Pheakdey Nourak Keo, était nommé Okgna Chakrey (Ministre des armées de terre).
Le cabinet du roi était composé de cinquante fonctionnaires. Son neveu, Chao Ponhea Yous Reachea, était nommé Chao Ponhea Reachea.
Les officiers généraux :
Les membres de sa famille maternelle :
1. Khoun Snéha nourak Keo, était nommé Okgna Vongsar Akreach ;
2. Meun Vichith Sathiros Sam, était nommé Okgna Vibol Reach ;
3. Meun Pharkdey nourak Tep, était nommé Okgna Thomma Thireach ;
4. Meun Visès Hathey Kao, était nommé Okgna Reach Dekchak.
Les autres militaires :
1. Chao Ponhea Séna Roeung Rithy Tey, était nommé Samdech Chetha Montrey ;
2. Chao Ponhea Chumrong Snéha Sin, était nommé Okgna Ekreach ;
3. Chao Ponhea Sénavuth Soun, était nommé Okgna Bâratès Reach ;
4. Chao Ponhea Séna Samsak Nou, était nommé Okgna Sreysou Tipvaing ;
5. Chao Ponhea Samdeng Avuth Mo, était nommé Okgna Norinthir Thipdey.
Les deux fils de Ta Moeung n’étaient pas oubliés. Le troisième fils était nommé Chao Ponhea Sangkriem, quant au quatrième fils, Sok, était nommé Okgna SoukirLauk. Ces deux fils supervisaient chacun plusieurs provinces. Le gouverneur de Battambang passait de grade de six Houpoung à neuf Houpoung. Il supervisait quatre districts : Monkol Borey, Teuk Chor, Bor Thaung, Peam Seyma et Maung Reusey.
Enfin, il faisait appel à tous les intellectuels du Royaume de lui rejoindre pour lui aider à bâtir un nouveau Kampuchéa. Cet appel était entendu dans tout le pays. Il inspirait le respect à toute la population et sa réputation s’accroîtrait de jour en jour. Il savait que le peuple attende de lui trois choses : L’ordre, le riz et la paix.
La province de Siemreap était appelée Moha Norkor. Le Roi Ponhea Yat (1385-1427) a changé ce nom en Siemreap, après sa victoire contre les Siamois. Siemreap signifie « les siamois sont écrasés ».
Province d’Asantouk : Asantouk est composé de deux mots : Asan (danger) et Touk (tristesse). On donnait ce nom à cette province, parce que dans la légende « Ponhea Krek ou Ponhea Krarchhoug» (Prince Krek). Ce prince ordonna ses soldats à de poursuivre la fuite d’un autre prince, nommé Basey Chamkrong, pour le tuer. Arrivé à un lieu (Asantouk), la fugitive était en danger et triste. Ainsi, la population donnait le nom à cet endroit « Asantouk » (Danger et tristesse). Aujourd’hui on appelle cet endroit « Santouk » (un district de la province de Kompong Thom). Jadis Asantouk était une grande province qui contrôle plusieurs autres petites provinces, appelées Meung (Srok ou district). Beaucoup de noms de Meung n’existe plus aujourd’hui, mais d’autres subsistent encore, mais sous un autre nom, par exemple : Koh Sès (Baray).